Prêt à 0 % : préserver la mobilité de l'accédant
ANIL, Habitat actualité, février 1996
L'orientation exclusive du prêt à 0 % vers la construction neuve, ou l'acquisition-amélioration avec une forte proportion de travaux, n'introduit pas de changement par rapport à l'économie des aides publiques : les phénomènes de décote dont souffraient les accédants PAP lors de la revente de leur logement risquent d'affecter de façon identique les bénéficiaires de prêt à 0 %, avec les mêmes conséquences négatives sur la fluidité du marché.
La mobilité des accédants sera d'autant plus contrariée que la prise en compte du prêt à 0 % dans l'apport personnel détériorera le rapport entre valeur vénale et capital restant dû.
Certes, l'expérience des années 1980 conduira très probablement les prêteurs à éviter les plans de financement introduisant une progressivité dans les échéances de remboursement : le prêt principal devrait être d'une durée de dix-sept ans maximum, pour les personnes bénéficiant d'un différé de remboursement sur le prêt à 0 %.
Cependant par nature, le système du différé, s'il est solvabilisateur, est aussi lourd de risque en cas de revente avant amortissement complet des prêts.
Prenons le cas d'un accédant modeste bénéficiant d'un prêt à 0 % de 120.000 F sur 21 ans avec un différé de 100 % sur 17 ans et d'un prêt de 300.000 F à 8 % sur 17 ans.
Supposons qu'à l'issue de la 15 ème année de remboursement, il souhaite ou il soit contraint de revendre son logement.
Le capital restant dû est de 59.583 F sur son prêt principal et de 120.000 F sur son prêt à 0 %, soit de 179.583 F en tout.
Capital | Taux | Durée | 1ère mensualité | CRD > 15 ans |
---|---|---|---|---|
200.000 F | 8 % | 17 ans | 2.695 F | 59.583 F |
120.000 F | 0 % | 21 ans + 17 de différé | 0 | 120.000 F |
Total | - | - | 2.695 F | 179.583 F |
Il va sans dire que le remboursement par anticipation du prêt à 0 % ne s'accompagne d'aucune indemnité, celle-ci ne pouvant s'appliquer qu'au 59.583 F du prêt principal.
La proportion de ceux qui changent de logement avant l'amortissement complet de leurs prêts est importante et la mobilité, volontaire ou contrainte, a toute chance de s'accroître dans les années à venir. Il faut donc ménager des portes de sortie à l'accédant.
Deux voies peuvent être envisagées : la modification du profil du prêt à 0 % ou l'aménagement des conditions de remboursement anticipé du prêt.
1° L'aide publique étant d'un même montant, quel serait le résultat d'une modification des caractéristiques du prêt à 0 % ?
Aujourd'hui, le coût d'un prêt à 120.000 F à 0 % sur 21 ans avec un différé de 100 % sur 17 ans est sensiblement égal à celui d'un prêt de 178.000 F à 0 % sur 21 ans sans différé. Le prêt principal pourrait alors être souscrit sur 21 ans et son montant serait de 242.000 F. La mensualité totale serait alors de 2.692 F.
Le capital restant dû à l'issue de la quinzième année serait alors de 113.238 F sur son prêt principal et de 50.856 F sur son prêt à 0 % soit de 164.094 Fen tout. L'effet solvabilisateur sur la 1 ère année serait sensiblement identique puisque la mensualité est égale à 2.692 F.
Capital | Taux | Durée | 1ère mensualité | CRD > 15 ans |
---|---|---|---|---|
242.000 F | 8 % | 21 ans | 1.985 F | 113.238 F |
178.000 F | 0 % | 21 ans sans différé | 706 F | 50.856 F |
Total | - | - | 2.692 F | 164.094 F |
2° Aménager les conditions de remboursement anticipé.
Une autre voie est peut-être à rechercher dans un aménagement des conditions de remboursement par anticipation. La convention signée entre l'Etat et les établissements de crédit ne prévoit pas, en cas de remboursement par anticipation du prêt à 0 %, de remboursement d'une quote-part de la prime par l'établissement prêteur. La prime d'Etat étant définitivement acquise par la banque, il serait logique que l'emprunteur qui rembourse par anticipation ait le choix
entre :
- le remboursement du capital restant dû sur la base de la valeur actuarielle pour le prêt à 0 %
- le droit au transfert sur un autre gage du prêt à 0 %.
La première hypothèse : à l'issue de la quinzième année la prime équivalente à un prêt de 120.000 F sur 6 ans (21 -15) avec 2 ans de différé (entre la 16ème et la 17ème année) est de l'ordre de 35.000 F.
Le capital à rembourser sur l'opération mentionnée plus haut serait réduit de ce montant, soit :
59.583 F + (120.000-35.000 F) soit 144.583 F au lieu de 179.583F
Année du remboursement anticipé | CRD prêt principal | Prime "résiduelle" estimée | CRD total "normal" | CRD total moins prime équivalente |
---|---|---|---|---|
7 ans | 222.107 F | 74.000 F | 342.107 F | 268.107 F |
8 ans | 206.992 F | 70.000 F | 326.992 F | 256.992 F |
10 ans | 172.895 F | 62.000 F | 292.895 F | 230.895 F |
15 ans | 59.583 F | 35.000 F | 179.583 F | 144.583 F |
Pour la seconde, il n'existe aucun obstacle administratif ; on sait que la transférabilité des prêts fait partie des serpents de mer de la mobilité : rien ne s'y oppose, si ce n'est le fait que lorsque l'emprunteur y a intérêt, c'est-à-dire lorsque les taux au moment du transfert sont supérieurs au taux lors du premier emprunt, l'opération est défavorable pour la banque ; en revanche, le banquier y consent volontiers, à la condition que l'emprunteur et le gage présentent les mêmes garanties, lorsque les taux ont baissé, mais alors l'emprunteur n'y trouve plus son compte. Dans le cas du prêt à 0 %, le droit au transfert devrait être automatique.