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Traitement des situations de surendettement : modifications apportées par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires

N° 2013-22 / A jour au 30 septembre 2013

Loi du 26.7.13 : JO du 30.7.13

Les dispositions relatives au surendettement de la loi de régulation bancaire visent à poursuivre la réforme entrée en vigueur le 1er novembre 2010 (loi Lagarde) en simplifiant et accélérant la procédure de traitement du surendettement.

Certaines de ces dispositions s'inspirent du rapport d'information du 19 juin 2012 de Mmes Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier "Crédit à la consommation et surendettement : une réforme ambitieuse à compléter".

Ces nouvelles règles entreront en vigueur, sauf exceptions, à compter du 1er janvier 2014 et s'appliqueront aux procédures de surendettement en cours à cette date.

Simplification et accélération de la procédure (art. 68)

Mesures recommandées ou imposées sans phase amiable préalable (art. 68 I. 1° c / C. Conso : L.331-6 II)

Si la situation du débiteur permet la mise en œuvre des mesures classiques de traitement du surendettement, la commission s’efforce, dans un premier temps, de concilier le débiteur et ses créanciers en vue de l’élaboration d’un plan conventionnel de redressement pouvant être notamment des mesures de report, de rééchelonnement et de remise des dettes.

Désormais, lorsque la situation du débiteur ne permet pas de prévoir le remboursement de la totalité de ses dettes et que la mission de conciliation paraît de ce fait manifestement vouée à l'échec, la commission pourra recommander ou imposer directement certaines mesures (moratoire1, effacement partiel de créances…) sans passer par la phase amiable.

Cette possibilité répond à l'exigence de rapidité de la procédure qui est essentielle pour ne pas risquer d'aggraver la situation du débiteur surendetté.

Extension de l’interdiction des intérêts intercalaires (art. 68 I. 2° b / C. Conso : L.331-3-1 al. 7)

Certains créanciers mettent à la charge du débiteur des intérêts intercalaires et des pénalités qui courent entre la décision de la recevabilité du dossier de surendettement et l’arrêté du passif effectué par la commission.  Cette pratique conduit à aggraver la situation du débiteur.

La production d’intérêts intercalaires sera impossible à compter la décision de recevabilité du dossier de surendettement et jusqu'à la mise en œuvre d'un plan conventionnel de redressement, de mesures recommandées2, de mesures imposées3 ou d'une procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire.

Suppression du réexamen automatique de la situation du débiteur à l'issue d'un moratoire (art. 68 I. 3° / C. Conso : L.331-7 al. 6)

La commission ne sera plus obligée de réexaminer systématiquement la situation du débiteur à l'issue d’un moratoire. Ce réexamen n'aura lieu qu'en cas de nouvelle saisine de la commission par le débiteur à l'expiration de la période de suspension.

Recours contre les mesures imposées ou recommandées : procédure de rétablissement (PRP) sans liquidation judiciaire prononcée par le juge sans recommandation préalable de la commission (art. 68 I. 6° / C. Conso : L.330-1 al. 6)

La procédure de rétablissement personnel est ouverte au débiteur dont la situation est irrémédiablement compromise, ce qui signifie que les mesures classiques de surendettement (plan conventionnel de redressement, moratoire, rééchelonnement…) ne permettent pas de traiter ses difficultés financières. La PRP conduit à un effacement des dettes du débiteur.

Depuis le 1er novembre 2010, on distingue deux procédures de rétablissement personnel : l’une avec liquidation judiciaire (lorsque le débiteur possède des biens susceptibles d'être vendus4) et l’autre sans liquidation.

Le juge d'instance peut, en cas de recours contre les mesures de redressement imposées ou recommandées par la commission, prononcer directement un redressement personnel avec liquidation judiciaire, sans attendre une recommandation en ce sens de la commission de surendettement.

À compter du 1er janvier 2014, il pourra également, dans ces mêmes cas, prononcer directement un redressement personnel sans liquidation judiciaire.

Assurance garantissant un crédit immobilier souscrite lors de la procédure de surendettement (art. 61 / C. Conso : L.331-3-1 al. 6)

Contrairement à l'échéance de prêt immobilier, le débiteur doit continuer de payer les primes d'assurance dues postérieurement à la décision de recevabilité du dossier de surendettement, au même titre que les autres charges de la vie courante. Or, le débiteur n'en est pas toujours conscient. Ceci est d'autant plus regrettable que le non paiement des primes peut entraîner la résiliation de l'assurance, ce qui peut avoir des conséquences très importantes en cas d'accident de la vie.

Pour limiter ces situations, la loi de régulation bancaire et financière a allongé le délai que doit attendre l'assureur après la mise en demeure de l’assuré avant de suspendre sa garantie. Ce délai passe à 120 jours (au lieu de 30 auparavant) à compter du 28 juillet 2013. De plus, le contrat ne peut être résilié pendant la période de suspension et d'interdiction des procédures d'exécution, c'est-à-dire entre la recevabilité du dossier de surendettement et la mise en place des mesures de traitement, ou au maximum pendant deux ans.

Suppression de la possibilité de recours contre la décision d'orientation (art. 68 I. 8° / C. Conso : L.331-3)

La commission de surendettement doit se prononcer, d'une part, sur la recevabilité du dossier et, d'autre part, sur son orientation. Le code de la consommation distingue clairement ces deux étapes.

La décision d'orientation consiste à  orienter le dossier soit  vers des mesures classiques de traitement du surendettement (plan conventionnel, mesures imposées ou recommandées par la commission), soit vers une procédure de rétablissement personnel.

Deux recours distincts étaient ouverts : l’un contre la décision de recevabilité, l’autre contre la décision d’orientation.

Cependant, en pratique, les décisions de recevabilité et d’orientation sont généralement prises en même temps par les commissions. C'est pourquoi, la loi du 26 juillet 2013 a supprimé la possibilité de recours contre la décision d'orientation pour ne conserver que le recours contre la décision de recevabilité. Dans tous les cas, les possibilités de recours contre les mesures de traitement décidées par la commission ou par le juge demeurent.

Allongement du délai maximal de suspension des mesures d'expulsion et des procédures d'exécution

Suspension automatique des voies d’exécution (art. 68 I. 2° a / C. Conso : L.331-3-1)

Depuis le 1er novembre 2010, dès la décision déclarant la recevabilité du dossier, donc indépendamment de son orientation, les procédures d’exécution diligentées contre les biens du débiteur et portant sur les dettes autres qu’alimentaires sont automatiquement suspendues.

Cette suspension a une durée maximale d'un an5. Cette durée est portée à deux ans par la loi du 26 juillet 2013.

Suspension des mesures d’expulsion (art. 68 I. 14° / C. Conso : L.331-3-2)

Si la commission déclare le dossier du débiteur recevable, elle peut saisir le juge de l’exécution aux fins de suspension des mesures d’expulsion du logement du débiteur. Cette mesure n'est accordée par le juge que si la situation du débiteur l’exige et ne peut pas concerner les mesures d’expulsion imposées dans le cadre d’une saisie immobilière.

La durée maximale de suspension de ces mesures est portée à deux ans (au lieu d'un an).

Composition de la commission de surendettement (art. 68 I. 7° / C. Conso : L.331-1)

La dénomination "responsable départemental de la direction générales de finances publiques chargé de la gestion publique" est remplacée par le "directeur départemental des finances publiques".
Il s'agit d’ajuster l’appellation des représentants de la direction générale des finances publiques au sein des commissions de surendettement afin de tenir compte de la fusion des réseaux déconcentrés de la direction générale de la comptabilité publique et de la direction générale des impôts qui n’était pas encore achevée lors de l’adoption de la loi Lagarde.

Les modalités de remplacement du directeur départemental des finances publiques en cas d'empêchement seront précisées par décret.

Articulation avec les dispositions relatives au logement du débiteur (art. 69)

La loi prévoit également d’améliorer l'articulation des dispositions relatives au surendettement avec celles relatives au logement, afin de garantir le maintien du débiteur dans son logement.

Débiteur propriétaire de son logement

Recevabilité du dossier si les dettes excèdent la valeur du logement (art. 69 I. 1° / C. Conso : L.330-1 al. 1er)

Lorsque le débiteur est propriétaire de son logement, son dossier de surendettement pourra être déclaré recevable, même lorsque la valeur estimée de son logement est supérieure ou égale au total de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

Pour mémoire, la loi Lagarde avait déjà fait préciser dans le code de la consommation que le seul fait d'être propriétaire de son logement ne fait pas obstacle à la recevabilité du dossier.

Exception au calcul du reste à vivre (art. 69 I. 2° / C. Conso : L.331-2 al. 3)

Afin de déterminer les mesures de traitement du surendettement, la commission doit déterminer le montant des remboursements qui seront exigés du débiteur. Pour cela, elle calcule le "reste-à-vivre" du débiteur. Son montant est fixé par référence à la quotité saisissable du salaire (Code du travail : L.3252-2 et L.3252-3).

La part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée par référence à un barème (Code du travail : R.3252-2). Elle ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du RSA.

Les remboursements exigés du débiteur pourront, avec l'accord du débiteur et dans des limites raisonnables, excéder ce montant, en vue d'éviter la cession de la résidence principale du débiteur.

Locataires bénéficiant de l’aide personnalisée au logement (APL) ou de l'allocation logement (art. 69 I. 3° a / C. Conso : L.331-3-1 al. 4)

La décision de recevabilité du dossier de surendettement est notifiée à la caisse d’allocations familiales dont relève le débiteur (Code conso : R.331-10, al. 2).
La décision de recevabilité du dossier de surendettement emporte rétablissement des droits à l’APL (dans le cas où elle avait été suspendue). Le déblocage est fait au profit du bailleur.
Depuis le 1er janvier 2013, ce rétablissement est aussi prévu pour les locataires bénéficiaires de l'allocation au logement (ALF et ALS)6.
Les modalités des droits au rétablissement de l’ALF ou de l’ALS sont précisées par le décret 17 décembre 2013 (cf. analyse juridique relative à l'articulation entre la procédure de surendettement, l’expulsion et les aides au logement).

Locataires HLM (art. 69 I. 3° b / C. Conso : L.331-3-1 al. 9)

Un protocole de cohésion sociale peut être conclu entre un bailleur social et un locataire après résiliation du bail par décision judiciaire. Le locataire s’engage alors à :

  • payer régulièrement l’indemnité d’occupation et les charges fixées dans la décision judiciaire de résiliation, ou par accord avec le bailleur ;
  • respecter un plan d’apurement de sa dette locative prévu au protocole.

Pour les locataires HLM ayant conclu un tel protocole avant la décision de recevabilité du dossier de surendettement, le paiement des arriérés de loyer prévu par le protocole est suspendu jusqu'à l'effacement des dettes dans le cadre d'une PRP ou de la mise en œuvre des mesures du plan conventionnel de redressement  ou des mesures imposées ou recommandées.

Lorsque ces mesures prévoient des modalités de règlement de la dette de loyer, celles-ci se substituent aux modalités prévues dans le protocole de cohésion sociale, dont la durée est prolongée jusqu'au règlement de la dette de loyer, dans la limite de la durée du plan conventionnel de redressement ou des mesures imposées ou recommandées. En conséquence, le paiement de l’APL ou de l’AL est poursuivi sur la base de ce plan, sous réserve que le locataire continue de s’acquitter de son loyer courant (circulaires n° 2012-008 et n° 2012-009 du 11.4.12).

Accompagnement social et budgétaire du débiteur surendetté  

La loi du 26 juillet 2013 renforce le lien entre le traitement du surendettement et l'accompagnement social et budgétaire. Ces dispositions s'appliquent à compter du 28 juillet 2013. 

Correspondant départemental (art. 70 / C. Conso : L.331-3 II al. 7)

Dans chaque département, le conseil général et la caisse d'allocations familiales désignent, chacun pour ce qui le concerne, un correspondant en vue de favoriser la coordination de leurs actions avec celles de la commission et notamment de faciliter la mise en place des mesures d'accompagnement social ou budgétaire.

Mesures d'accompagnement social ou budgétaire (art. 71 / C. Conso : L.331-3 II al. 8)

Lorsque le débiteur a déjà bénéficié d'une mesure d'une PRP avec ou sans liquidation judiciaire et qu'il saisit de nouveau la commission, celle-ci peut, si elle estime que la situation du débiteur est de nouveau irrémédiablement compromise et après avis du membre de la commission justifiant d'une expérience dans le domaine de l'économie sociale et familiale, recommander au juge que la mesure d'effacement des dettes soit assortie de la mise en place de mesures d'accompagnement social ou budgétaire.

Pour mémoire, depuis l'entrée en vigueur de la loi Lagarde, à tout moment de la procédure devant la commission de surendettement, si la situation du débiteur l’exige, la commission l’invite à solliciter une mesure d’aide ou d’action sociale qui peut comprendre un programme d’éducation budgétaire et notamment une mesure d’accompagnement social personnalisé7 (MASP - C. Conso : L.331-3 et L.332-6).

D'autres modifications pourraient intervenir dans le domaine du surendettement dans les mois à venir. En effet, le projet de loi relative à la consommation, dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat en première lecture, propose des mesures en vue de prévenir les situations de surendettement et d’accélérer la procédure de traitement du surendettement.

Le texte prévoit la création d’un registre national recensant les crédits à la consommation accordés aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels et les incidents de paiement caractérisés et les situations de surendettement. Ce registre permettra de donner aux établissements de crédit des éléments d’appréciation de la solvabilité des personnes physiques qui sollicitent un crédit ou se portent caution. La gestion de ce fichier sera confiée à la Banque de France. Ce registre est amené à se substituer à l’actuel Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). Il est prévu que les commissions de surendettement puissent consulter le registre national des crédits dans le cadre de l’exercice de leur mission de traitement des situations, afin de dresser l’état d’endettement du débiteur. Ces commissions seront aussi tenues de déclarer à la Banque de France les informations relatives aux situations de surendettement.

En outre, le projet de loi prévoit de restreindre la durée totale des plans conventionnels : celle-ci passerait de 8 à 7 ans. Cette durée pourra toujours être dépassée pour les remboursements de prêts contractés pour l’achat d’un bien immobilier constituant la résidence principale du débiteur. Elle pourra également être dépassée si les mesures permettent au débiteur de rembourser la totalité de ses dettes tout en évitant la cession de sa résidence principale.

Notes

1 - Moratoire : suspension de l'exigibilité de créances autres qu'alimentaires pendant une durée maximale de 2 ans.

2 - Les mesures recommandées sont la vente forcée ou amiable du logement du débiteur avec imputation du prix vente sur le capital dû à l’établissement prêteur et l'effacement partiel des créances combiné avec les mesures imposées par la commission (C. Conso : L.331-7-1).

3 - Les mesures imposées sont le rééchelonnement, la réduction des intérêts, l'imputation des paiements sur le capital et le moratoire (C. Conso : L.331-7).

4 - La PRP avec liquidation judiciaire peut être ouverte (C. Conso : L.330-1) :

  • lorsque le débiteur possède d’autres biens que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle ;
  • ou lorsque son actif n’est pas constitué uniquement de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

5 - La suspension des mesures d'exécution cesse lorsque :

  • un plan conventionnel de redressement est approuvé ;
  • des mesures sont imposées par la commission ;
  • des mesures recommandées sont homologuées par le juge ou qu'une PRP avec liquidation judiciaire est ouverte.

6 - Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le code de la sécurité sociale prévoyait déjà que la décision déclarant la recevabilité de la demande emporte rétablissement automatique des droits à l'AL (CSS : L.542-7-1 pour l'ALF et L.831-8 pour l'ALS).

7 - La MASP, en vigueur depuis le 1er janvier 2009, prend la forme d’un contrat conclu entre le débiteur et le département, comportant des engagements réciproques, une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social individualisé. Dans ce cadre, le bénéficiaire peut autoriser le département à percevoir et gérer pour son compte tout ou partie des prestations sociales qu’il perçoit, en les affectant en priorité au paiement du loyer et des charges locatives en cours.

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