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La protection des locataires en cas de vente par lots de plus de dix logements appartenant à un même bailleur / Accords collectifs

Location
(Location vide en parc privé)
N° 50/06
décret du 10.11.06 : JO du 11.11.06


La loi du 6.7.89 protège le locataire en cas de congé pour vente du bailleur. Cette protection vise les locataires âgés disposant de ressources faibles et concerne tous les bailleurs, quel que soit le nombre de logements qu'ils mettent en vente.
Une protection est également prévue pour les locataires des secteurs II et III (cf. § Champ d'application) en cas de congés pour vente de plus de 10 logements dans un ensemble immobilier, lorsque aucune autre protection plus favorable n'est applicable (loi du 6.7.89 : art. 11-1 et 15 II).

Afin de protéger un plus grand nombre de catégories de locataires en cas de vente par lots, un accord collectif de location a été conclu le 9 juin 1998 au sein de la Commission nationale de concertation. Il visait à améliorer l'information préalable -individuelle et collective- des locataires, à faciliter l'opération lorsqu'un délai supplémentaire s'avérait nécessaire ou qu'une substitution d'acquéreur était possible et à traiter les cas difficiles nécessitant un relogement, voire une renouvellement de bail.

Un décret a étendu cet accord relatif aux congés pour vente de plus de 10 logements dans un ensemble immobilier leur appartenant, à tous les bailleurs du secteur II et III (décret du 22.7.99).

Un nouvel accord, plus favorable aux locataires, a été conclu le 16 mars 2005 au sein de la Commission nationale de concertation et étendu par décret à tous les bailleurs des secteurs II et III (décret du 10.11.06).

L'accord de 2005, plus protecteur pour les locataires que celui de 1998, prévoit :

  • une information renforcée adressée aux locataires et à leurs représentants ;
  • la prorogation de droit du bail dans certains cas et à certaines conditions (enfants scolarisés…) ;
  • la faculté pour le partenaire lié au locataire par un PACS de se substituer à ce dernier pour acheter le logement ;
  • l'obligation pour le bailleur de délivrer congé avec proposition de relogement lorsque les ressources du locataire sont inférieures à 100 % du plafond de ressources PLI (le seuil était de 80 % dans l'accord de 98) ;
  • la nullité du congé délivré en violation des dispositions de l'accord [pour mémoire, la loi du 13 juin 2006 sanctionne par la nullité un congé qui serait délivré en violation d'un accord collectif rendu obligatoire par décret (loi 13.6.06 / loi 6.7.89 : art. 15 II)].

Dispositions des accords collectifs de 1998 et 2005

L'accord de 2005 reprend pour l'essentiel les dispositions de l'accord de 1998 et offre aux locataires une protection renforcée en cas de vente de plus de 10 logements dans un ensemble immobilier appartenant au même bailleur relevant du secteur II ou III.
Bien que les signataires des accords n'aient pas prévu expressément que l'accord collectif de 2005 aujourd'hui étendu se substitue à celui de 1998, tout laisse à penser que tel est le cas, dans la mesure où les deux accords ont le même champ d'application, et que le second reprend les dispositions du premier tout en renforçant la protection des locataires.

Les dispositions de l'accord de 2005 sont applicables à l'ensemble des bailleurs des secteurs II et III à compter du 12 novembre 2006.


Champ d'application

L'accord de 2005, comme celui de 1998, vise à protéger les locataires lorsqu'un même bailleur souhaite leur donner congé pour mettre en vente plus 10 logements libres ou occupés dans un même immeuble.

Sont concernés par les accords les bailleurs des secteurs locatifs II et III.

  • Le secteur II regroupe les logements des SEM, des sociétés immobilières à participation majoritaire de la Caisse des dépôts et consignations, des collectivités publiques, des sociétés filiales d'un organisme collecteur du 1 % logement et des filiales de ces organismes.
  • Le secteur III comprend les logements des entreprises d'assurance, des établissements de crédit, des sociétés immobilières conventionnées et des sociétés immobilières d'investissement et des filiales de ces organismes.

Sont donc exclus, les bailleurs privés, personnes physiques (secteur IV) et les bailleurs HLM (secteur I).


La procédure d'information

Elle obéit à un certain formalisme et se décline en plusieurs phases.

Information préalable à la décision de mise en vente

Le bailleur informe par écrit les associations de locataires représentatives (au sens de l'article 44 de la loi du 23.12.86) de son intention de mettre en vente par lots plus de 10 logements libres ou occupés dans un même immeuble. A ce stade, les modalités de l'information future des locataires sont examinées. A défaut d'associations de locataires représentatives, le bailleur apprécie l'intérêt d'informer le locataire, le plus tôt possible en fonction des données qu'il peut fournir.

Information générale délivrée lors de la réunion d'information

Une fois que le bailleur est prêt à rendre publique son intention de vendre, une réunion d'information à laquelle sont invités par écrit les locataires, quelle que soit la date d'expiration de leur bail, et leurs associations est organisée.
Dans le cas d'un propriétaire unique, il est procédé à l'affichage, dans les parties communes, des date, lieu et heure de la dite réunion (disposition nouvelle issue de l'accord collectif de 2005).
Une documentation, dans une forme accessible, est utile à ce stade.

Information individuelle adressée à chaque locataire

Les modalités envisagées pour la vente sont ensuite confirmées par écrit à tous les locataires par le bailleur. Il ne s'agit à ce stade que d'un document d'information ne constituant pas offre de vente.

Ce document présente :

  • les dispositions de la loi et de l'accord collectif sur les droits respectifs des locataires et des propriétaires et les phases importantes de l'opération ;
  • les règles de fonctionnement de la copropriété notamment au regard du rôle de l'assemblée générale, du syndicat des copropriétaires et du syndic ainsi que la nature et le niveau des charges particulières aux copropriétaires par rapport à ceux des charges locatives ;
  • les conditions du crédit du moment (propositions de plusieurs établissements financiers) ainsi que la possibilité du recours aux prêts du 1 % logement ;
  • les prix moyens au m² au moment de la mise en vente avec les critères de différenciation des prix entre les logements ;
  • le ou les avantages, notamment de prix, accordés aux locataires (pour une période de 6 mois), en particulier en fonction de l'ancienneté du locataire dans les lieux et de la durée du bail restant à courir ;
  • les possibilités de relogement par le bailleur par location ou accession notamment dans son propre parc ;
  • l'information par le bailleur des dispositifs légaux et réglementaires destinés à protéger les locataires en difficulté, notamment en raison de leur âge ou de leurs ressources (disposition nouvelle issue de l'accord de 2005) ;
  • l'information des dispositifs légaux et réglementaires destinés à faciliter les opérations pour les locataires (disposition nouvelle issue de l'accord de 2005) ;
  • l'état de l'immeuble et les travaux : les modalités de réalisation de diagnostics et bilans techniques sont examinés entre le bailleur et les associations de locataires représentatives (loi du 23.12.1986 : art. 44). En l'absence d'associations de locataires représentatives, un état de l'immeuble doit être établi.

Les diagnostics et bilans techniques peuvent être effectués par des organismes spécialisés en expertise technique. Ils portent sur les éléments essentiels du bâti, les équipements communs et de sécurité susceptibles d'entraîner des dépenses importantes pour les futurs copropriétaires dans les années qui suivront la vente. Il s'agit en particulier du clos, du couvert, de l'isolation thermique, des conduites et canalisation collectives, des équipements de chauffage collectif, des ascenseurs, de la sécurité en matière d'incendie.

Les diagnostics et bilans techniques sont mis dès que possible à disposition des locataires, et désormais de leurs représentants s'ils existent (au sens de l'article 44 de la loi du 23.12.86), et leur sont communiqués avec l'offre de vente prévue à l'article 10 de la loi du 10 décembre 1975. Le propriétaire s'assure que ces documents sont aisément lisibles et peut, à défaut, demander une version simplifiée aux auteurs des diagnostics et bilans.

Le propriétaire communique également un récapitulatif des travaux réalisés dans les parties communes les cinq dernières années et des coûts exposés. Désormais, ce récapitulatif est fourni au plus tard avec l'offre de vente prévue à l'article 10 de la loi du 31.12.75.
Il fournit, dans les mêmes conditions, une liste des travaux qu'il serait souhaitable d'entreprendre à court et à moyen terme et indique éventuellement quelle partie de ces derniers il serait prêt à prendre en charge avant la première vente.

Autres informations : le bailleur fournit en annexe au courrier d'information adressé au locataire :

  • l'état descriptif de division de l'immeuble pour les lots le concernant,
  • une fiche individuelle précisant le prix du logement.

L'accord de 2005 prévoit que le locataire évoque avec le bailleur l'état du logement et la prise en charge par ce dernier des dépenses d'amélioration et des travaux qui ne relèvent pas des réparations locatives.
La possibilité de consulter le futur règlement de copropriété est annoncée dès qu'elle est matériellement possible, par voie d'affichage dans les parties communes. Il est communiqué aux représentants des locataires (disposition nouvelle issue de l'accord de 2005).

Les contrats de prestations de services liés à l'exploitation de l'immeuble sont consultables, à leur demande, par les associations de locataires représentatives.


Offre de vente et congé éventuel

A compter de la confirmation de son intention de vendre adressée par le bailleur individuellement à chaque locataire, les accords collectifs prévoient que le bailleur s'engage à respecter un délai de trois mois avant d'adresser une offre de vente au locataire (loi du 31.12.75 : art. 10).
Une fois notifiée l'offre de vente, le congé pour vente peut être envoyé conformément à l'article 15 de la loi du 6.7.89.
Une information est donnée au maire de la commune ou de l'arrondissement du siège de l'immeuble dès la décision de vente.


Mesures protectrices des locataires

Prorogation du bail

Le locataire peut demander une prorogation de son contrat de location dès lors que la durée du bail restant à courir est inférieure à trente mois à compter de l'offre de vente.
Ce délai supplémentaire peut être accordé par le bailleur s'il est justifié par l'obtention d'un prêt, la vente d'un bien immobilier, le départ à la retraite, une mutation professionnelle ou tout autre circonstance.

Toutefois, l'accord de 2005 instaure une prorogation de droit dès lors que la durée du bail restant à courir est inférieure à trente mois à la date de l'offre de vente, dans deux cas :

  • si le locataire occupe le logement depuis plus de six ans à la date de l'offre de vente de la loi de 75 (art. 10). La durée de l'occupation résultant de la prorogation du bail est calculée à raison d'un mois par année d'ancienneté ;
  • si le locataire a, à sa charge, des enfants scolarisés. Le contrat est prorogé jusqu'à la fin de l'année scolaire.

Dans tous les cas, la prorogation ne peut être supérieure à trente mois à compter de la date de l'offre de vente.
Le bailleur doit confirmer son accord et notifier au locataire, par lettre recommandée avec accusé de réception, la durée de prorogation du bail au plus tard quatre mois avant l'expiration du bail.

Personnes autorisées à se substituer au locataire pour acheter le logement

Les personnes ne pouvant acquérir leur logement peuvent proposer au bailleur comme acquéreur, leur conjoint ou concubin notoire vivant avec elles depuis au moins un an à la date de l'offre de vente, leurs ascendants ou descendants ainsi que ceux de leur conjoint ou concubin.
A cette liste de bénéficiaires, l'accord de 2005 ajoute le partenaire lié par un PACS.
Cet acquéreur bénéficie des mêmes conditions de vente et de délai que celles proposées au locataire.

Renouvellement du bail pour les locataires en situation difficile

Le bail est renouvelé de plein droit dans trois cas :

  • pour raison de santé grave : lorsque le locataire ne peut se porter acquéreur de son logement et qu'il ne peut déménager en raison de son état de santé présentant un caractère de gravité reconnue médicalement ;
  • en raison de l'âge : lorsqu'un locataire est âgé de plus de 70 ans à la date d'expiration de son bail. Désormais, cette disposition n'est toutefois pas applicable aux personnes assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune ;
  • en raison d'une incapacité : lorsqu'un locataire est titulaire soit d'une rente d'invalide du travail correspondant à une incapacité au moins égale à 80 %, soit d'une allocation servie à toute personne dont l'infirmité entraîne au moins 80 % d'incapacité permanente.

Congé avec offre de relogement
Lorsque le locataire ne se porte pas acquéreur de son logement et qu'il justifie d'un revenu inférieur à 100 % du plafond de ressources PLI (le seuil était de 80 % dans l'accord de 98), le congé ne peut lui être délivré sans qu'une proposition de relogement lui soit offerte dans les conditions légales (loi du 6.7.89 : art. 15-III §1 : logement correspondant aux besoins et possibilité du locataire et situé dans les limites géographiques de l'article 13 bis de la loi de 48).

Le bailleur propose au locataire en priorité les logements qui deviennent vacants dans son parc et qui ne font pas l'objet d'un droit de réservation. Le loyer du logement proposé bénéficie par rapport aux loyers de relocation d'une remise en pourcentage égale à celle dont bénéficie le locataire dans son logement actuel. Le loyer résultant de cette règle ne peut cependant être supérieur au loyer moyen pratiqué pour un logement comparable dans la même zone géographique.


Non respect de l'accord de 2005

Désormais, le non respect de certaines des dispositions de l'accord entraîne de plein droit la nullité du congé pour vente (loi du 13.6.06 / loi du 6.7.89 : art. 15 II).

Il s'agit des mesures relatives :

  • à la prorogation de droit du bail du locataire occupant le logement depuis plus de six ans à la date de l'offre de vente, ou ayant des enfants scolarisés ;
  • à la faculté offerte à des personnes autres que le locataire d'acquérir le logement ;
  • à la proposition de relogement devant être adressée au locataire ayant des ressources inférieures au plafond PLI ;
  • au renouvellement du bail pour les locataires en situation difficile.


Durée des accords

Les signataires des accords collectifs conclus le 9 juin 1998 et le 16 mars 2005 avaient prévu que les accords seraient d'une durée d'un an, reconductibles tacitement, sauf dénonciation six mois avant l'échéance par une des parties signataires auprès du président de la Commission nationale de concertation.

A noter qu'il n'est pas précisé dans le texte de l'accord (ni dans le décret) si cette dénonciation est toujours possible une fois l'accord collectif étendu par décret.


Contentieux lié à l'application des accords collectifs

En cas de conflit entre un bailleur et un locataire relatif à une ou plusieurs dispositions relatives aux mesures protectrices des locataires, il est prévu que les parties feront appel à la conciliation avant que le litige ne soit porté devant une juridiction.
L'avis de l'instance de conciliation est obligatoirement transmis au juge au cas où le conflit est porté devant celui-ci, accompagnés des motivations précises de ces avis.


Textes officiels :
Loi du 6.7.89 : art. 11-1 et 15 II
Accord collectif du 9.6.98, circulaire du 28.7.98 ; décret du 22.7.99 : JO du 23.7.99
Accord collectif du 16.3.05 ; décret du 10.11.06 : JO du 11.11.06

Voir aussi la loi du 13 juin 2006 relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente en bloc d'un immeuble de plus de dix logements.

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