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Réforme des sûretés / Mise en place de l'hypothèque rechargeable et du prêt viager hypothécaire

Financement de l’accession et des travaux
Sûretés
(ordonnance du 23.3.06 : JO du 24.3.06)
N° 19/06 (mise à jour mars 2007)


La loi du 26 juillet 2005 (loi pour la confiance et la modernisation de l'économie) a habilité le gouvernement à réformer le régime des sûretés et les procédures d'exécution immobilière par voie d'ordonnances.

L'ordonnance du 23 mars 2006 porte sur les modifications touchant le régime des sûretés. Ne sont examinées ici que les dispositions pouvant avoir un impact sur les garanties se rencontrant dans le secteur du logement.

Toutes les dispositions sur les sûretés étant regroupées au sein du livre IV nouveau du code civil afin d'en améliorer la lisibilité, des changements de numérotation interviennent pour bon nombre de règles de principe relatives aux privilèges et hypothèques en matière immobilière. Si la plupart de ces numérotations ne s'accompagnent pas d'un changement de contenu, on peut retenir les modifications de fonds suivantes pour les garanties se rencontrant dans le secteur du logement : l'assouplissement des formalités au moment de la main-levée de l'hypothèque ainsi que la modification de la durée maximale de l'inscription des privilèges et hypothèques, les mesures de protection rendues nécessaires par la consécration de la garantie autonome, l'institution de l'hypothèque rechargeable et les mesures destinées à permettre la mise en place du prêt viager hypothécaire.

Les modifications qui auraient dû toucher les privilèges immobiliers et notamment celui du syndicat des copropriétaires n'ont pas été reprises dans la version finale de l'ordonnance, le Conseil d'Etat ayant jugé que la loi d'habilitation n'autorisait pas le gouvernement à prendre les dites mesures.


L'introduction de l'hypothèque rechargeable dans le droit français de l'hypothèque conventionnelle

Cette hypothèque permet à un débiteur, qui a déjà constitué une hypothèque de ne pas avoir à en constituer une nouvelle pour garantir des crédits successifs dans la limite du montant maximal prévu lors de l'hypothèque initiale. Pour mémoire, l'hypothèque est toujours consentie, pour le capital, à hauteur d'une somme déterminée que l'acte notarié mentionne à peine de nullité et cette règle n'a pas été modifiée. A noter que dans les pays où l'extraction hypothécaire est de pratique courante, (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Pays-Bas et Danemark), cette disposition n'existe pas. C'est même la possibilité de réévaluation qui fait que la hausse des prix de l'immobilier peut se traduire par un accroissement des dépenses de consommation.

L'acte initial constitutif de l'hypothèque doit prévoir qu'elle puisse être réaffectée à la garantie de créances autres que celles mentionnées à l'origine. Le débiteur peut ensuite " réutiliser " l'hypothèque en garantie de nouveaux emprunts auprès du même créancier ou d'un autre. Une convention de rechargement notariée doit être établie et publiée à la conservation des hypothèques. La publication se fait sous forme de mention en marge des inscriptions existantes. Les créanciers qui bénéficient d'une convention de rechargement prennent rang à la date de l'inscription initiale. Le débiteur peut procéder à ce rechargement avant même que le créancier originaire ait été remboursé.

Seule une hypothèque conventionnelle peut être rechargeable et il ne peut pas y avoir de privilège de prêteur de deniers rechargeable1.

Lorsqu'un crédit est garanti par une hypothèque rechargeable (que ce soit le crédit initial ou les crédits ultérieurs), un document intitulé " situation hypothécaire " doit être annexé à l'offre de prêt. Il comporte des mentions informatives obligatoires, telles que la durée de l'inscription hypothécaire, l'identification du bien immobilier objet de la garantie et sa valeur estimée à la date de la convention constitutive d'hypothèque, le montant de l'emprunt initial souscrit, le cas échéant le montant du ou des emprunts ultérieurement souscrits, le montant maximal garanti, une évaluation par le prêteur du coût du rechargement de l'hypothèque et du coût total de l'hypothèque et enfin la mention selon laquelle la défaillance de l'emprunteur peut entraîner la vente forcée de l'immeuble hypothéqué. A défaut de respecter ces exigences, le prêteur s'expose à des sanctions pénales et à la déchéance du droit aux intérêts.

La dernière hypothèque consentie avant la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance peut être transformée en hypothèque rechargeable sous réserve de la rédaction d'un avenant prévoyant que l'hypothèque pourra être affectée ultérieurement à la garantie d'autres créances. L'avenant doit être rédigé devant notaire et publié.

NB : Le décret portant fixation du tarif des notaires a été modifié pour insérer le tarif de l'avenant transformant une hypothèque en hypothèque rechargeable et celui de la convention de rechargement. Le salaire du conservateur des hypothèques pour la publication d'une convention de rechargement a été fixé. Enfin, les dispositions en matière de publicité foncière (contenu des bordereaux ou des extraits d'acte à présenter pour les besoins de la publication) sont adaptées progressivement.


Les mesures visant à la mise en place du prêt viager hypothécaire

Le prêt viager hypothécaire est défini par l'ordonnance comme le contrat par lequel un établissement de crédit consent à une personne physique un prêt, garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de l'emprunteur à usage exclusif d'habitation et dont le remboursement ne peut être exigé qu'au décès de l'emprunteur ou lors de l'aliénation du bien. La somme à rembourser est plafonnée à la valeur de l'immeuble au moment du décès ou de la vente du bien, le cas échéant estimée par un expert.

Le bien donné en garantie pourra être la résidence principale du débiteur ou une résidence secondaire et le prêt peut financer tout type de projet, seul le financement des besoins d'une activité professionnelle étant exclu. Le prêt viager hypothécaire pourra notamment financer des travaux d'entretien ou d'amélioration de la résidence de l'emprunteur. Au décès de l'emprunteur, sa succession devra rembourser le prêt soit à l'aide de liquidités propres, gardant ainsi la propriété du bien, soit avec le produit de vente de l'immeuble. A défaut, le créancier peut procéder à la saisie immobilière ou demander l'attribution de la propriété de l'immeuble en justice. Si une vente ou un démembrement de propriété intervient avant le décès, le prêt devra être remboursé à ce moment-là.

La mise en place du prêt viager hypothécaire est rendue possible par les aménagements concernant les durées d'inscription (cf. § La durée maximale de l'inscription) et facilitée par l'assouplissement des conditions de main-levée. L'ordonnance prévoit également l'insertion dans le code de la consommation de mesures visant à protéger l'emprunteur. Ces dispositions encadrent la publicité portant sur le prêt viager hypothécaire, interdisent le démarchage, imposent un contenu réglementé pour toute offre de prêt viager hypothécaire, un délai de réflexion sur le même modèle que pour toute offre de crédit immobilier ainsi que la rédaction d'un acte de prêt notarié. La possibilité pour le débiteur de rembourser le prêt de façon anticipée est prévue, sachant que dans ce cas, le prêteur peut exiger une indemnité de remboursement anticipé dont le montant maximum est fixé par décret (Code de la consommation : art. R. 314-2).

On peut noter que ce prêt étant garanti par une hypothèque, sa souscription sera accompagnée des formalités habituelles à la constitution d' une hypothèque et des coûts correspondants : convention d'hypothèque (insérée en pratique dans l'acte d'emprunt notarié), inscription à la conservation des hypothèques, main-levée au moment de la vente …

Les conditions dans lesquelles le prêt peut être proposé par les banques (pour quel montant, à quel taux, à quels emprunteurs ?…) relèvent de la pratique bancaire et non de la réglementation. Du fait de son caractère viager, le prêt ne s'adressera de fait qu'aux personnes âgées et le taux sera vraisemblablement plus élevé que pour un prêt immobilier classique pour tenir compte de l'incertitude quant au moment du remboursement et donc du risque de voir la dette dépasser la valeur de l'immeuble (en raison de la production des intérêts) ou encore de celui de la baisse de la valeur de l'immeuble.


L'assouplissement des formalités "de main-levée" de l'hypothèque

Sont prévus un allègement des formalités nécessaires pour procéder à la main-levée de l'hypothèque conventionnelle et la diminution du contrôle du conservateur des hypothèques au moment de cette main-levée.

Pour mémoire, en pratique, en matière de crédit immobilier, l'hypothèque conventionnelle est souvent désignée sous le terme " hypothèque " par opposition à " privilège du prêteur de deniers".
Le privilège du prêteur de deniers est la sûreté réelle utilisée pour garantir des prêts contractés pour l'acquisition d'un bien existant alors que l'hypothèque sert à garantir des prêts finançant des opérations de construction ou des ventes en l'état futur d'achèvement.
L'hypothèque conventionnelle signifie que le débiteur doit consentir à cette hypothèque, par opposition au privilège qui lui, est automatique. Toutefois, l'un et l'autre doivent être inscrits à la conservation des hypothèques pour être opposables aux tiers et supposent pour cela la rédaction d'un acte notarié d'emprunt.

Jusque là, la mainlevée de l'hypothèque conventionnelle impliquait nécessairement la rédaction d'un acte devant notaire entre le débiteur et le créancier. Au vu de cet acte, le conservateur des hypothèques procédait alors à la radiation de l'inscription correspondante. Désormais le conservateur pourra aussi procéder à la radiation de l'inscription hypothécaire sur présentation d'un certificat rédigé par le notaire attestant que le créancier, a, à la demande du débiteur, donné son accord à la radiation de l'inscription. Cet acte est dressé sans que les parties ne comparaissent.

Si le conservateur procède à la radiation sur présentation de ce certificat, son contrôle se limite aux conditions de forme de l'acte et ne s'étend pas comme pour un acte de main-levée traditionnel à sa validité au fonds. Sa rémunération, élément parmi d'autres du coût de la main-levée est alors moins importante que lorsque la radiation s'effectue sur présentation d'un acte de main-levée traditionnel (CGI annexe III : art. 295).

La radiation de l'inscription du privilège du prêteur de deniers qui, au moment de l'ordonnance, n'était pas concernée par ces assouplissements peut dorénavant s'effectuer sous forme simplifiée (loi du 20 février 2007).


La durée maximale de l'inscription

Pour être opposable au tiers, l'hypothèque ou le privilège doit en principe être inscrit à la conservation des hypothèques (le privilège du syndicat des copropriétaires en est dispensé par exemple). L'inscription est prise pour une certaine durée fixée par le créancier dans les limites fixées par la loi qui sont modifiées par la présente ordonnance :

  • pour un prêt dont la durée de remboursement est déterminée, la durée maximale de l'inscription est égale à la durée du prêt plus un an (au lieu de deux jusqu'à présent) sans pouvoir dépasser 50 ans (au lieu de 35 ans auparavant).

En pratique, sont assimilés aux prêts à durée déterminée, les prêts variables ou modulables qui ont une durée maximum.

  • pour un prêt dont l'échéance est indéterminée, la durée maximale de l'inscription passe de 10 à 50 ans, notamment pour permettre la mise en place du prêt viager hypothécaire. Si l'hypothèque est assortie d'une clause de rechargement, la durée maximale de l'inscription est également de 50 ans.


La garantie autonome

L'ordonnance consacre une sûreté personnelle développée par la pratique et jusque là uniquement régie par le droit des contrats, en instituant dans le code civil la "garantie autonome".
Il s'agit d'un engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues et cela sans pouvoir opposer aucune exception à l'obligation garantie. Le garant autonome, contrairement à la caution, s'engage à payer une somme d'argent et non à exécuter l'obligation du débiteur principal.

Elle ne peut toutefois pas être demandée à l'occasion d'un crédit à la consommation ou d'un crédit immobilier.

En outre, dans la mesure où cette garantie aurait vocation à s'appliquer en matière de baux d'habitation, l'ordonnance prévoit aussitôt une limite importante puisqu'elle précise qu'elle ne peut s'ajouter aux garanties aujourd'hui exigibles du locataire soumis à la loi du 6 juillet 1989 (location de droit commun, location HLM, location conventionnée) puisqu'elle ne peut être prise qu'aux lieu et place du dépôt de garantie prévu à l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 et uniquement pour le même montant. Elle ne peut donc ni s'ajouter au dépôt de garantie, ni remplacer le cautionnement.


Adaptations pour l'Alsace - Moselle

L'article 52 de l'ordonnance introduit dans la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle les dispositions nécessaires pour prendre en compte les particularités de l'hypothèque rechargeable et celles du système local de publicité foncière ainsi que les dispositions relatives à la simplification en matière de main-levée hypothécaire.

Textes officiels : Ordonnance du 23.3.06 : JO du 24.3.06 / décret du 16.5.06 : JO du 18.5.06 / décret du 22.6.06 : JO du 24.6.06 / décret du 6.12.2006 : JO du 8.12.06 / instructions fiscales 10 D-2-06 et 10 D-3-06 du 1.12.06 et 28.12.06 / décret du 15.2.07 : JO du 16.2.07 / décret du 22.3.07 : JO du 24.3.07


1La loi du 20 février 2007 offre la possibilité à l'emprunteur dont le crédit est garanti par un privilège de prêteur de deniers consenti avant le 20 février 2007 de substituer une hypothèque (ayant vocation à être rechargée ) au privilège initialement inscrit.

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