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Les conventions d'occupation précaire

N° 2010-23 / A jour au 9 janvier 2013

Dans certaines situations exceptionnelles, il apparait utile de signer une convention d'occupation précaire.

Issue de la pratique, la convention d’occupation précaire se définit comme le contrat par lequel les parties manifestent leur volonté de ne reconnaitre à l’occupant qu’un droit de jouissance précaire moyennant une contrepartie financière modique.
Aucun texte particulier ne la régissant, la jurisprudence a admis sa validité si elle n’a pas pour but d’éluder la législation spécifique contraignante applicable aux baux d’habitation et si la précarité est justifiée par un motif d’intérêt légitime indépendant de la volonté des parties. Pour qu’elle soit légitime, il faut pouvoir démontrer l’existence de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties et un motif légitime et non frauduleux  de précarité. Ces circonstances particulières doivent exister au moment de la signature de la convention, peu importe que par la suite elles disparaissent (Cass. Civ. III : 29.4.09).

Une cause objective de précarité

Pour qu’un engagement soit qualifié de convention précaire et non de bail, le propriétaire doit justifier d’une raison qui lui avait permis de concéder à titre précaire l’occupation du logement. S’il ne démontre pas l’existence d’une cause objective de précarité, la convention sera qualifiée de bail par les juges (Cass. Civ. III : 29.6.94).
La convention qualifiée d’occupation précaire mais  surtout destinée à éluder la législation contraignante est prohibée et donc entachée de nullité en ses clauses contraires aux dispositions d’ordre public (Cass. Civ. III : 4.3.87).

Sa validité est reconnue si elle est fondée sur un motif légitime résultant de circonstances particulières, voire exceptionnelles. Il faut  donc un motif légitime pour déroger au droit locatif protecteur de la loi de 1989 (CA Paris : 18.3.10).

Les juges recherchent l’origine de la précarité dans la conscience que les parties avaient du caractère aléatoire de la convention (Cass. Civ. III : 25.4.90). De plus, la précarité doit être connue des parties dès le début des relations contractuelles.

La précarité a ainsi pu être reconnue en jurisprudence dans ces hypothèses :

  • la situation transitoire de l’immeuble : dans l’attente d’une expropriation (CA Paris : 8.1.80, abstract / CA Paris : 22.6.05, / CA Paris : 9.4.08), pour la réalisation de  travaux pendant la durée de l’occupation (CA Montpellier, 4.2.09), relogement provisoire pendant la durée de travaux de remise en état du logement loué incendié (CA Paris : 23.10.08) ou de travaux de réfection du logement loué ayant subi les dégâts d’intempéries (CA Paris : 7.2.03) ou de travaux de réhabilitation du logement loué (CA Bordeaux : 23.11.98), désir du propriétaire de se réserver le droit de construire une cafétéria sur le terrain (CA Aix en Provence : 23.10.86) ;
  • la situation géographique de l’immeuble : « compte tenu du site exceptionnel en périphérie de la ville et des projets économiques et urbanistiques de la commune » (Cass. Civ. III : 16.2.00) ;
  • le caractère discontinu ou temporaire de l’occupation : cela peut être la mise à disposition de dépannage temporaire d’un logement  en raison de  l’absence professionnelle du propriétaire et ce, moyennant une participation forfaitaire destinée à couvrir les charges.  En l'espèce, « les pièces versées aux débats, notamment l’intention de M. X, démontre que M. Y et Mlle Y ont en réalité conclu une convention d’occupation à caractère précaire de l’appartement durant l’absence professionnelle de M. Y à l’étranger moyennant une participation forfaitaire de Mlle Y à son hébergement destinée à couvrir ses frais de consommation d’énergie et d’entretien de l’appartement dont la périodicité n’a cependant pas été expressément convenue » (CA Paris : 22.5.07). Cependant, ne peut être ainsi qualifié l’acte par lequel une personne laisse à un tiers, pendant la durée de son séjour en province, la jouissance de son logement en contrepartie du paiement des charges et non d’un quelconque loyer dès lors que cet acte ne visant formellement aucun élément susceptible de mettre fin à l’occupation n’est pas limité dans le temps (CA Bordeaux : 18.9.86).
    Toutefois, il a été jugé que la prolongation de la convention précaire n’était pas incompatible avec sa qualification (Cass. Civ. III : 6.11.91) ;
  • la mise à disposition temporaire  dans le cadre de l’opération de relogement des familles sans abri : la  convention d’hébergement provisoire conclue dans ce cadre, par une association, ne saurait s’analyser en une location quand bien même la redevance versée en contrepartie serait dénommée loyer et sa durée, un an renouvelable, déroge aux règles édictées par la loi de 1989 inapplicable (CA Paris : 5.5.99) ;

Actualisation janvier 2013

  • l’occupation des lieux sous condition d’acquisition du bien : le vendeur d’un immeuble a autorisé son futur acquéreur à occuper les lieux en attendant que l’acte de vente soit réalisé. La réalisation de la vente est subordonnée à l’obtention d’un prêt. Les juges considèrent que cette condition suspensive doit être regardée comme une cause objective de précarité. L’autorisation d’occupation accordée par le vendeur ainsi que la condition suspensive constituent des circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties, permettant de retenir la qualification de convention d’occupation précaire. Dès lors, l’occupant ne pouvait se prévaloir d’un contrat de bail soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 (Cass. Civ. III : 31.1.12).

La précarité peut résulter des conditions de dénonciation de la convention mais la durée de l’occupation est, en soi, insuffisante. La convention d’occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles, pour une durée dont le terme est marqué par une cause autre que la seule volonté des parties (Cass. Civ. III : 19.11.03). En tout état de cause, la durée de la convention doit dépendre d’un motif légitime et non frauduleux. En effet, il ne suffit pas de qualifier le contrat de convention d’occupation précaire pour la faire échapper au statut impératif des baux d’habitation.

La seule volonté des parties est insuffisante : une Cour d’appel ne peut donc retenir la qualification de  convention d’occupation précaire sans caractériser l’existence de circonstances particulières autre que la volonté des parties constituant un motif légitime de précarité (Cass. Civ. III : 9.11.04). Et,  en cas de motifs personnels aux contractants, la juridiction saisie ne peut se limiter à retenir qu’ils avaient un intérêt à passer le contrat précaire alors qu’aucune donnée objective ne caractérisait la précarité de la convention (Cass. Civ. III : 12.10.88).
Dès lors, une marge d’incertitude nait quant aux circonstances permettant la conclusion d’une telle convention mais le  critère essentiel caractérisant cette convention est la fragilité du titre de l’occupant.

La modicité de la redevance

Si une convention d’occupation précaire n’est pas exclusive du paiement d’une redevance, la modicité de la participation forfaitaire est un indice caractéristique de la présence d’une telle convention (Cass. Civ. III : 29.6.94 / CA Aix en Provence : 20.3.08). En effet, le caractère modeste de la redevance, peut venir corroborer la qualification de convention d’occupation précaire (CA Caen : 14.4.05). Cependant, il  a été précisé que la prestation en nature (réalisation de travaux en contrepartie de l’hébergement) n’était pas assimilable au paiement d’un loyer (CA Paris : 15.10.87).

Régime juridique

Si certaines règles relatives à la durée du bail sont inapplicables, le régime juridique de la convention d’occupation précaire est, dans son ensemble, celui des articles 1709 et suivants du Code Civil. Toutefois, la Cour de cassation a estimé qu’une telle convention ne permettait pas à un locataire d’exiger du propriétaire qu’il respecte les obligations à la charge du bailleur et que l’indemnité d’occupation fixée d’un commun accord ne pouvait être modifiée judiciairement (Cass. Civ. III : 12.6.85). Mais, le bailleur doit assurer la jouissance paisible des lieux loués, cette obligation ne cessant qu’en cas de force majeure et, en cas d’incendie, l’occupant est présumé responsable (Cass. Civ. III : 23.1.08).

Si la Cour de cassation oppose les qualifications de bail et de jouissance précaire tout en leur appliquant les mêmes solutions, la différence entre ces deux qualifications a été posée par un jugement qui a indiqué que la clause précisant le motif de précarité d’une convention ne pouvait s’analyser en une condition résolutoire inscrite dans un bail ordinaire (TGI Paris : 5.3.74). Quant au droit au renouvellement, la doctrine affirme qu’il n’existe pas pour l’occupant précaire.

Compte tenu de ces exigences jurisprudentielles, on peut difficilement admettre qu’une association argue de son objet, la réinsertion de la personne par le logement, pour justifier la conclusion de conventions d’occupation  précaire et ainsi éviter le droit locatif impératif. En effet, selon la qualité de propriétaire ou de locataire de l’association, le statut des occupants diffère : régime de la loi de 1989 dans le premier cas, régime de sous location soumise aux dispositions du Code Civil dans le second.

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