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Responsabilité du prêteur / Devoir de mise en garde

Cass. Com. : 3.5.06 / Cass. Civ. I : 21.2.06 ; 27.6.06 et 12.7.06


La position de la Cour de cassation sur la mise en jeu de la responsabilité du banquier à l'occasion de l'octroi d'un crédit pour défaut de mise en garde de l'emprunteur a été harmonisée par une série d'arrêts récents. Les deux formations de la Cour de cassation (1ère chambre civile et chambre commerciale) avaient jusqu'ici une position divergente. Elles font désormais toutes deux état d'un devoir de mise en garde du banquier en distinguant selon la qualité de l'emprunteur (profane ou averti).

La chambre commerciale, jusqu'aux arrêts du 3 mai 2006, considérait que la responsabilité du prêteur envers l'emprunteur, qu'il soit professionnel ou particulier, n'était pas engagée sauf dans le cas où le prêteur détenait sur la situation de l'emprunteur des informations que ce dernier ignorait lui-même (Cass. Com. : 20.9.05) ; c'est-à-dire en cas de dissymétrie des informations disponibles de part et d'autre.

La 1ère chambre civile reprend la solution de la chambre commerciale pour les emprunteurs professionnels (dissymétrie de l'information). Pour les emprunteurs particuliers, elle impose au prêteur une obligation de mise en garde (Ass. Plén. : 12.5.05). Mais pour retenir la responsabilité de la banque, elle prend en compte les connaissances de l'emprunteur et l'incidence de l'opération envisagée sur sa capacité financière (Cass. Civ. I : 21.2.06, 27.6.06 et 12.7.06).

La chambre commerciale maintient sa jurisprudence pour l'emprunteur professionnel et, par trois arrêts du 3 mai 2006, reconnaît que le banquier peut être tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard des emprunteurs particuliers lorsque le crédit sollicité présente au jour de son octroi un caractère déraisonnable au regard des capacités financières de l'emprunteur. Elle va plus loin que la chambre civile. Elle prend en considération non seulement les connaissances de l'emprunteur mais également son environnement personnel. Ainsi pour un couple marié, il suffit que le conjoint soit averti (cadre responsable dans la banque qui a octroyé le prêt) pour considérer que l'autre l'est par son intermédiaire.

L'harmonisation ainsi réalisée des jurisprudences est fragile : il y a tout d'abord un risque de divergence de conception de la personne avertie. Elle est ensuite tributaire du contenu qui sera donné au devoir de mise en garde : ni devoir de renseignement, ni devoir de conseil (qui implique d'orienter la décision, d'aider l'autre partie dans ses choix). Il consiste à avertir l'emprunteur des risques qu'il prend. Par conséquent la banque n'est pas responsable si l'emprunteur est en mesure d'apprécier ces risques lui-même.

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