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La loi ENL : vente d'immeuble

A jour au 13 juillet 2006


Vente d'immeubles à rénover (ENL : art. 80 / CCH : art. L. 111-6-2-1 à 4 et L. 262-1)

La vente à rénover n'était jusqu'ici encadrée par aucune disposition juridique spécifique. Un contrat de vente d'immeuble à rénover est créé ; il a pour objet de permettre une vente accompagnée de l'engagement du vendeur de réaliser des travaux de rénovation dont les modalités sont prévues au contrat. L'obligation de réaliser la rénovation est clairement liée au transfert de propriété entre le vendeur et l'acquéreur. Le nouveau régime emprunte pour partie au régime de la vente ordinaire et pour partie à la vente en l'état futur d'achèvement dite VEFA. Le contrat de vente à rénover est soumis aux dispositions du code civil relatives à la vente d'immeubles existants (art. 1582 à 1701) et à des dispositions spécifiques.

Contrat

Toute personne qui vend un immeuble bâti ou une partie d'immeuble bâti, à usage d'habitation ou à usage mixte, ou destiné après travaux à l'un de ces usages, qui s'engage dans un délai déterminé, à réaliser directement ou indirectement des travaux sur cet immeuble ou cette partie d'immeuble et qui perçoit des sommes d'argent de l'acquéreur avant la livraison des travaux, doit conclure un contrat de vente d'immeuble à rénover dont les dispositions sont d'ordre public.
Dès la promesse de vente d'un immeuble à rénover, l'acquéreur doit disposer, à peine de nullité, de l'ensemble des informations essentielles relatives à la vente (caractéristiques, descriptif, délai de réalisation des travaux, prix, engagement du vendeur de produire les justifications de la garantie d'achèvement des travaux et des assurances).
Le contrat de vente d'immeuble à rénover doit, à peine de nullité, être conclu par acte authentique et préciser :

  • La description, les caractéristiques de l'immeuble ou de la partie d'immeuble vendu et, le cas échéant, la superficie de la partie privative du lot ou de la fraction du lot (loi Carrez) ;
  • La description des travaux à réaliser précisant, le cas échéant, les travaux concernant les parties communes et ceux concernant les parties privatives ;
  • Le prix de l'immeuble. Au cas où le contrat prévoit la révision du prix, celle-ci est strictement encadrée (décret à paraître).
    L'acquéreur effectue le règlement du prix en fonction de l'état d'avancement des travaux. Aucun échelonnement n'est prévu. Néanmoins, le fait d'exiger ou d'accepter un versement avant la date à laquelle la créance est exigible est passible d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 9 000 € ou l'une de ces deux peines seulement. Ne sont pas considérés comme des versements, les dépôts de fonds effectués sur un compte bancaire ouvert au nom du déposant;
  • Le délai de réalisation des travaux.
  • La justification de la garantie financière d'achèvement des travaux.
  • Les justifications des assurances de responsabilité et de dommages souscrites par le vendeur concernant les travaux. Le simple énoncé des assurances dans l'acte ne suffit pas. Il faut en justifier, à peine de nullité. S'agissant du bâti existant vendu et sur lequel portent les travaux, il n'y a pas d'obligation concernant la souscription de garanties.

Le contrat doit en outre comporter en annexe, ou par référence à des documents déposés chez un notaire, les indications utiles relatives à la consistance et aux caractéristiques techniques des travaux. Le règlement de copropriété est communiqué à chaque acquéreur préalablement à la signature du contrat. En tout état de cause, il doit être remis à chaque acquéreur lors de la signature du contrat.
Seul l'acquéreur peut, avant la livraison, invoquer la nullité du contrat pour non respect de ces dispositions.
Comme pour la VEFA, l'acquéreur peut céder les droits qu'il tient d'une vente d'immeuble à rénover. Cette cession substitue de plein droit le cessionnaire dans les obligations de l'acquéreur envers le vendeur. Si la vente a été assortie d'un mandat, celui-ci se poursuit entre le vendeur et le cessionnaire. Ces dispositions sont applicables à toute mutation entre vifs, volontaire ou forcée, ou à cause de mort.

Travaux, garanties et assurances

La nature et l'importance des travaux ne sont pas indiquées. Cependant les travaux d'agrandissement ou de restructuration complète de l'immeuble, assimilables à une reconstruction, ne sont pas concernés. Le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur tant ses droits sur le sol que sur la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution. Le vendeur d'un immeuble à rénover demeure maître d'ouvrage jusqu'à la réception des travaux. Celle-ci est effectuée pour l'ensemble des travaux à une date unique qui constitue le point de départ des garanties. La livraison résulte de l'établis-
sement d'un procès-verbal établi entre le vendeur et l'acquéreur.

Le vendeur professionnel d'un immeuble devant être rénové, doit justifier d'une assurance de responsabilité civile professionnelle, de l'assurance de responsabilité obligatoire et de l'assurance dommages-ouvrage. A défaut, il s'expose aux sanctions pénales prévues pour tout constructeur (75 000 € d'amende et/ou emprisonnement de 6 mois).

Pour les travaux, le vendeur doit les garanties biennale et décennale (lorsque les travaux en relèvent). Les vices de construction ou les défauts de conformité apparents affectant les travaux doivent être dénoncés dans l'acte de livraison ou dans le délai d'un mois suivant cette livraison. L'action en réparation des vices de construction ou des défauts de conformité ainsi dénoncés peut être intentée dans un délai d'un an suivant la livraison. Le vendeur doit fournir une garantie d'achèvement des travaux qui ne peut être qu'extrinsèque. Elle est constituée par une caution solidaire donnée par un établissement de crédit ou par une entreprise d'assurance agréée à cet effet. Elle cesse à la livraison des travaux. Pour le bâti existant, les vices relèvent de l'article 1641 du code civil.

Des dispositions protectrices sont prévues dans le cas où l'immeuble est occupé, ceci pour éviter tout abus des entreprises de travaux voulant inciter les occupants à quitter les lieux. Le juge saisi en référé peut prescrire l'interdiction ou l'interruption des travaux, sous astreinte le cas échéant. Si malgré cette interdiction les travaux sont exécutés, un emprisonnement de deux ans et une amende de 4 500 € sont encourus. Le juge peut en outre ordonner la remise en état des lieux aux frais du condamné.
L'entrée en vigueur de ces dispositions est subordonnée à la publication de décrets à paraître (modalités d'application, révision du prix).

Protection de l'acquéreur immobilier (ENL : art. 96 / CCH : art. L. 271-1)

Les règles relatives à la protection des acquéreurs immobiliers non professionnels telles qu'elles ont été mises en place par la loi SRU sont modifiées essentiel-
lement sur deux points.
Tout d'abord, les avant-contrats sont soumis à un régime de protection uniforme. Qu'ils soient authentiques ou sous seing privés, ils relèvent d'un délai de rétractation de 7 jours.
Pour mémoire, le dispositif de protection de l'acquéreur immobilier tel qu'il avait été mis en place par le législateur en décembre 2000 (SRU) reposait sur deux mécanismes distincts :

  • d'une part un délai de rétractation de sept jours qui s'appliquait aux actes sous seing privé ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la jouissance de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière ;
  • d'autre part, un délai de réflexion lorsque l'un de ces actes était dressé en la forme authentique. Pendant ce délai, l'acquéreur ne pouvait pas signer l'acte en cause.

Il est apparu aux professionnels, notamment aux notaires, que l'existence de deux délais différents était une source de complexité.

Désormais, le délai de réflexion de sept jours est réservé aux contrats dressés en la forme authentique constatant ou réalisant la convention qui ne sont pas précédés d'un avant-contrat. Cette situation est relativement peu courante en pratique.
Comme dans le dispositif précédent, la protection de l'acquéreur s'exerce au niveau de l'avant-contrat : dès lors que l'acte définitif est précédé d'un avant-contrat, seul l'avant-contrat est soumis au dispositif de protection (délai de rétractation).
La seconde modification intéresse la mise en œuvre du dispositif de protection de l'acquéreur et plus spécialement la notification des actes concernés par le délai de rétractation ou de réflexion.
Le pivot de la protection instaurée par la loi SRU (et non remis en cause par la loi ENL) est la notification de l'acte par lettre recommandée avec accusé de réception.
Cependant l'article L. 271.1 (al.1) du CCH prévoit que la notification de l'acte peut se faire par d'autres moyens dès lors qu'ils présentent des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise.
La formule est générale et la question de savoir quelles notifications et surtout quelles remises étaient régulières, a donné lieu à débat, voire, à controverse. La question est importante puisqu'une notification ou une remise irrégulière ne fait pas courir le délai de rétractation.
Schématiquement on considère que rentrent dans les prévisions du texte :

  • La notification par exploit d'huissier ;
  • La remise contre récépissé faite par un notaire.
  • En revanche ne satisfont pas aux exigences légales :
  • La remise contre émargement ou contre récépissé effectuée par un agent immobilier (CA Orléans du 4.11.02 et CA Toulouse du 1.12.03) ;
  • La remise directe de l'acte par un vendeur.
  • En cas de difficultés, il revient au juge d'interpréter la notion d'équivalence.

Sans modifier cet alinéa et sans doute avec la volonté de clarifier les choses, le législateur insère un nouvel alinéa et consacre expressément le principe de la remise directe de l'acte à l'acquéreur tout en l'encadrant.
La possibilité de la remise contre émargement ou contre récépissé est réservée aux actes conclus par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente (agent immobilier, notaire, avocat, certains experts immobiliers…).
Elle concerne aussi bien les actes soumis au délai de rétractation que ceux soumis au délai de réflexion.
Par ailleurs, la remise admise comme alternative à la notification par lettre recommandée avec avis de réception ne concerne que les actes ayant pour objet la vente d'un bien immobilier (alors que le dispositif de protection a vocation à être plus large, puisqu'il concerne notamment les actes ayant pour objet la construction d'un immeuble à usage d'habitation).
La remise de l'acte devra être attestée selon des modalités fixées par décret (décret à paraître).

En l'absence de prescriptions particulières concernant l'entrée en vigueur de ces dispositions, on peut penser que la substitution du délai de rétractation au délai de réflexion pour tous les avant-contrats est immédiate et applicable à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi.

En revanche, la question de savoir si, en l'attente de la publication du décret, les actes, objet du délai de rétractation ou du délai de réflexion, peuvent continuer à être remis directement par un notaire, est plus délicate : on peut toutefois penser que ce qui était autorisé sous l'article L.271.1 (al.1) non modifié, devrait continuer à l'être.

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