Expérimentation de l’encadrement du niveau des loyers dans les zones tendues
N° 2019-03 / À jour au 8 janvier 2021
Loi ELAN du 23.11.18 : art. 139 et 140 : JO 24.11.18 / Décret n°2019-315 du 12.4.19 (JO du 13.4.19) / Décret n° 2019-437 du 13.5.19 (JO du 14.5.19) / Décret n° 2020-41 du 22.1.20 (JO du 24.1.20) / Décret n° 2020-1619 du 17.12.20 (JO du 19.12.20) / Décret n° 2020-1818 du 30.12.20
La loi ELAN du 23 novembre 2018 instaure dans les zones dites "tendues" un encadrement du niveau des loyers (à la mise en location et au renouvellement du bail), à titre expérimental et pour une durée de 5 ans.
Ce dispositif s’ajoute à l’encadrement de l’évolution des loyers qui s’applique dans les agglomérations dites "tendues" (loi du 6.7.89 : art.18 / décret n°2017-1198 du 27.7.17 modifié par décret n° 2020-945 du 30.7.20 et décret n° 2020-1818 du 30.12.20). Les mesures relatives à l’encadrement du niveau des loyers, issues de la loi ALUR du 24 mars 2014, sont abrogées par ces nouvelles dispositions, entrainant une réécriture des articles de la loi du 6 juillet 1989 (art. 17 et 17-2).
Le décret du 13 mai 2019 fixe les conditions d’applications de ces mesures.
Champ d'application
Logements concernés
Le dispositif d’encadrement du niveau des loyers s’applique aux logements loués nus ou meublés, ainsi qu’au bail mobilité, soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989.
En revanche, il ne s’applique pas :
- aux logements-foyers ;
- aux logements de fonction ;
- aux locations consenties aux travailleurs saisonniers ;
- aux logements appartenant à ou gérés par des organismes HLM ou appartenant à ou gérés par des SEM et faisant l'objet d'une convention APL ;
- dans les résidences meublées avec services, telles que définies par le Code général des impôts (CGI : art. 261 D 4°c).
Territoires concernés
L’expérimentation concerne les « zones d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social » (loi du 6.7.89 : art. 17). Le décret du 10 juin 2015 précise ce zonage, en renvoyant aux agglomérations listées en annexe du décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants (par exemple : Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Strasbourg, Toulon, Toulouse, etc.).
L’encadrement s’applique sur demande (transmise dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi ELAN, soit jusqu’au 25 novembre 2020) :
- des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière d’habitat ;
- de la commune de Paris ou des Etablissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris ;
- des métropoles de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence.
Leur demande peut porter sur tout ou partie de leur territoire, sous réserve que le marché locatif du secteur concerné respecte les conditions suivantes :
- un écart important entre le niveau de loyer moyen constaté dans le parc privé et celui pratiqué dans le parc social ;
- un niveau de loyer médian élevé ;
- un taux faible de logements commencés rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années ;
- des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le PLH et de faibles perspectives d’évolution de celle-ci.
Lorsque la demande est approuvée, un décret délimite le territoire d’application de l’encadrement.
A ce stade, trois territoires sont concernés :
- la commune de Paris (décret n° 2019-315 du 12.4.19 : JO du 13.4.19).
L’encadrement est entré en vigueur le 1er juillet 2019 (arrêté préfectoral du 28.5.19) et a été reconduit depuis (arrêté préfectoral du 3.6.20 fixant les loyers de référence applicables à compter du 1er juillet 2020) ; - la commune de Lille et les communes associées : Hellemmes (arrêté préfectoral du 18.4.77) et Lomme (décret du 22.4.00) (décret n° 2020-41 du 22.1.20 : JO du 24.1.20). L’encadrement est entré en vigueur le 1er mars 2020 (arrêté préfectoral du 30.1.20 fixant les loyers de référence applicables à compter du 1er mars 2020) ;
- le territoire de l’Etablissement public territorial (EPT) Plaine Commune, c’est à dire les communes suivantes : Aubervilliers, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, L'Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains et Villetaneuse. (décret n° 2020-1619 du 17.12.20 : JO du 19.12.20). L’encadrement entrera en vigueur en fonction de la publication par arrêté préfectoral des loyers de référence pour ce territoire.
Détermination des loyers de référence
Pour chaque territoire défini par décret, le préfet fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré (supérieur de 20 %) et un loyer de référence minoré (diminué de 30 %), exprimé par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et secteur géographique.
Chaque loyer médian est calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l’Observatoire local des loyers (OLL).
Pour les locations meublées, les loyers de référence, loyers de référence majorés et minorés sont calculés en application d’une majoration unitaire par mètre carré aux loyers de référence évoqués ci-dessus pour tenir compte du caractère meublé du logement. Cette majoration est déterminée à partir des écarts constatés entre les loyers des logements loués nus et ceux des logements loués meublés observés par l’OLL.
Fixation du loyer
Fixation initiale du loyer
Le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties, dans la limite du loyer de référence majoré. Cette fixation du loyer doit également respecter les modalités de l’encadrement de l’évolution des loyers.
Une action en diminution de loyer peut être engagée par le locataire si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature de ce contrat.
Mention dans le bail
Le contrat de location doit indiquer le loyer de référence et le loyer de référence majoré correspondant à la catégorie de logement.
Si ces éléments d’information ne sont pas mentionnés, le locataire peut demander à ce qu’ils soient insérés au contrat, en adressant au bailleur une mise en demeure dans un délai d’un mois à compter de la prise d’effet du contrat de location.
En l’absence de réponse du bailleur dans un délai d’un mois, ou en cas de refus de ce dernier, le locataire peut saisir le juge, dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure afin d’obtenir, le cas échéant, la diminution du loyer.
Complément de loyer
Lorsque le montant du loyer établi est égal au montant du loyer majoré, un complément de loyer peut être appliqué au loyer de base. Ce complément devra être justifié par les caractéristiques de localisation ou de confort du logement, et par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
Un complément de loyer est également possible pour les logements en location meublée. Il doit tenir compte des équipements et services associés aux logements meublés.
Si les parties conviennent d’un tel complément, son montant et les caractéristiques le justifiant doivent être mentionnés au contrat de bail.
- Contestation du complément de loyer : le locataire qui souhaite contester le complément de loyer dispose d'un délai de trois mois à compter de la signature du bail pour saisir la Commission départementale de conciliation (CDC), sauf pour le bail mobilité.
En cas de contestation, il appartient au bailleur de démontrer que le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique. - En cas de conciliation : le montant du loyer, tenant compte de l'éventuel complément de loyer, est celui fixé par le document de conciliation délivré par la CDC.
- En l'absence de conciliation : le locataire dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de l'avis de la CDC pour saisir le juge d'une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer. La fin de non-recevoir tirée de l'absence de saisine préalable de la CDC peut être soulevée d'office par le juge.
Dans les deux cas, le loyer résultant du document de conciliation ou de la décision de justice s'applique à compter de la prise d'effet du bail.
Ajustement du loyer au renouvellement
Lors du renouvellement du contrat, le locataire peut engager une action en diminution de loyer si celui fixé au contrat (hors complément de loyer) est supérieur au loyer de référence majoré.
De même, lorsque le loyer est inférieur au loyer de référence minoré, le bailleur peut proposer une réévaluation du loyer à son locataire. Cette proposition ne peut être supérieure au montant du loyer de référence minoré.
La proposition de nouveau loyer doit être adressée dans un délai d’au moins six mois avant le terme du contrat lorsqu’elle émane du bailleur, d’au moins cinq mois avant le terme du contrat lorsqu’elle émane du locataire.
Sanction en cas de non-respect de l’encadrement de loyer par le bailleur
Si le préfet constate qu’un bail ne respecte pas le loyer de référence majoré prévu par arrêté, il peut adresser un courrier de mise en demeure au bailleur (Loi ELAN : art.140 et décret n°2019-437 du 13.5.19 : art. 1) :
- lui rappelant le manquement constaté
- l’enjoignant de mettre le contrat en conformité avec le loyer de référence et de restituer le trop-perçu de loyer à son locataire dans un délai de deux mois
- l’informant du montant maximal de la sanction encourue en l’absence de réaction
- lui indiquant qu’il dispose d’un délai d’un mois pour présenter ses observations.
Le bailleur, dans le délai imparti, doit transmettre au préfet une copie du contrat mis en conformité ainsi que les éléments lui permettant de justifier le remboursement de trop-perçu au locataire.
Si le bailleur ne réagit pas à cette mise en demeure, le préfet pourra prononcer une amende à son encontre (d’un montant maximum de 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale). Cette décision doit être motivée et indiquer les voies et délais de recours. Le montant de l’amende envisagée devra être proportionnée à la gravité des faits reprochés et précisé au bailleur. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois pour présenter ses observations.
Au terme de ce délai, le préfet peut émettre un titre de perception, dans les deux ans suivant la mise en demeure, recouvré par le Trésor Public comme en matière de créance étrangère à l’impôt et au domaine.
Le prononcé de l’amende ne fait pas obstacle à ce que le locataire engage une action en diminution de loyer.
Rapport d’évaluation de l’expérimentation
Au plus tard 6 mois avant son terme (soit le 25 juin 2023), le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation.